Cancer du sein : des patientes toujours plus jeunes

Florence MOLINIÉ, Directrice, Registre des cancers de Loire-Atlantique/Vendée

Entre 1990 et 2023, les cancers diagnostiqués chez les femmes de 20 à 39 ans ont augmenté de plus de 50% en France.

« Les chiffres montrent qu'il y a chaque année, et depuis 30 ans, une augmentation du cancer du sein chez les femmes jeunes, à la fois en nombre mais aussi en taux d'incidence. »

50% d’augmentation des cancers du sein chez les 20/39 ans en trente ans
« Entre 1990 et 2023, les cancers diagnostiqués chez les femmes de 20 à 39 ans ont augmenté de plus de 50% en France et le taux d’incidence est en augmentation de 1,5 % par an en moyenne sur cette même période. Ces observations concernent également d'autres tranches d'âge, et en particulier les femmes âgées de plus de 75 ans. Il s’agit d’une tendance générale à l'augmentation du cancer du sein. » 

Des facteurs de risque hormonaux et reproductifs en cause, mais aussi les modes de vie
« Les facteurs de risque de cancer du sein étant très nombreux, avec des effets chacun modestes, il est assez difficile d'attribuer l'augmentation de l'incidence à tel ou tel facteur. Les facteurs hormonaux et reproductifs, comme l'âge au premier enfant ou l'âge précoce de la puberté sont des facteurs de risque qui se trouvent dans une évolution défavorable et qui peuvent expliquer une partie de l'augmentation des cancers du sein chez la femme.
D’autres facteurs de risque présentent des évolutions plus contrastées comme les modes de vie : l'alcool, facteur majeur de cancer du sein, est toutefois plutôt en diminution chez les femmes, à l’exception des alcoolisations ponctuelles importantes plus fréquentes chez les femmes jeunes ; le tabagisme qui après avoir considérablement augmenté s'est ralenti depuis quelques années. Le stress fait aussi partie des facteurs étudiés. » 

Tout reste à faire sur l’exposition aux polluants
« D’autres facteurs de risque enfin sont bien établis, mais on ne connaît pas forcément leur évolution dans le temps, comme les radiations ionisantes, c’est à dire les traitements par radiothérapie chez les femmes qui ont eu un cancer lorsqu’elles étaient plus jeunes. Il existe aussi des facteurs moins établis comme le travail de nuit, l'exposition à bon nombre de polluants, et notamment les perturbateurs endocriniens qui ont sans doute augmenté, mais nous n’avons pas encore de chiffres vraiment précis et nous ne connaissons pas pour l'instant, leur impact réel sur le risque de cancer. Nous attendons, dans les années à venir, davantage d'études sur l'exposition des femmes à tous ces polluants tout au cours de leur vie. Les expositions au DDT ont, par exemple, montré que la femme exposée avait plus de cancer du sein, mais sa fille également quand l'exposition avait eu lieu pendant la grossesse et potentiellement, la génération d'après aussi. On voit donc bien que certains polluants peuvent avoir des effets transgénérationnels. Tout reste à faire sur l’exposition aux polluants et les autres facteurs de risque. Le champ d'études est colossal dans ce domaine. » 

Vers un dépistage personnalisé 
« En ce qui concerne le dépistage, l'IA avec l'imagerie nous permettrait de diagnostiquer les cancers plus tôt. Le champ d’action de la prévention primaire étant assez restreint, nous allons surtout nous orienter vers la prévention secondaire et des dépistages personnalisés. Nous attendons d’ici 2 ou 3 ans les résultats de MyPeBS (My Personal Breast cancer Screening), première étude clinique européenne randomisée pilotée par le Dr Suzette Delaloge, Gustave Roussy, et cordonnée par Unicancer. » Son objectif est d’évaluer les bénéfices d’un dépistage dont la fréquence sera adaptée au risque individuel de cancer du sein de chaque femme. « Cette étude nous aiderait à mieux cibler les femmes qui mériteraient d'être dépistés plus souvent. »

L'abaissement de l'âge du dépistage organisé á 45 ans est à l'étude en France
« Cette évolution à la hausse des cancers chez les femmes jeunes est de la même façon observée dans d’autres pays qui n'ont pas plus d'explications que nous, hormis les facteurs hormonaux et reproductifs et les modes de vie. L’Europe a d’ores et déjà recommandé un abaissement de l'âge du dépistage organisé à partir de 45 ans. En France, il commence actuellement à 50 ans, mais la Haute Autorité de Santé (HAS) est en train d’étudier la question sachant qu'il faut peser sur la balance bénéfices-risques afin qu'il n'y ait pas trop d'effets secondaires, notamment de faux positifs, avec des biopsies qui seraient inutiles chez ces femmes qui pourraient avoir une densité mammaire plus élevée qu'après 50 ans. »

Interview réalisée par Acteurs de santé lors du 11e congrès de la Société Française de Médecine Prédictive et Personnalisée (SFMPP). 

En savoir plus : https://www.sfmpp.org

  • Increasing incidence of breast cancer in young women over time. Pascal Pujol et al. Breast. 2025 Oct - Pujol P, Remontet L, Lapôtre-Ledoux B, Rogel A, Lafay L, Molinié F. Increasing incidence of breast cancer in young women over time. Breast. 2025 Oct;83:104555. doi: 10.1016/j.breast.2025.104555. Epub 2025 Aug 5. PMID: 40774220; PMCID: PMC12351116.
  • L’étude MyPeBS (My Personal Breast cancer Screening) est la première étude clinique européenne randomisée, qui vise à évaluer les bénéfices d’un dépistage dont la fréquence sera adaptée au risque individuel de cancer du sein de chaque femme. Avec 360 000 nouveaux cas diagnostiqués et 92 000 décès chaque année en Europe, le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. Les campagnes de dépistage actuelles visent toutes les femmes avec un seul critère de sélection : l’âge. Mais elles comportent un certain nombre d’écueils : faux positifs sur les mammographies, risque de sur-diagnostic, voire de surtraitement ou au contraire, chez certaines femmes, risque de développer un cancer de l’intervalle dépisté trop tard. Pilotée par le Dr Suzette Delaloge, Gustave Roussy, et cordonnée par Unicancer, MyPeBS est une étude multicentrique à laquelle participeront 85 000 femmes volontaires de 40 à 70 ans.
    Source Gustave Roussy : https://www.gustaveroussy.fr/fr/mypebs

 

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