Cancer, prendre en charge le patient dans sa globalité

Thierry BRETON, Directeur général de l’Institut National du Cancer

Nous devons faire en sorte que chaque patient en France puisse disposer des meilleurs soins quel que soit l’endroit où il se trouve.

Débat organisé au Centre de Sociologie des Organisations Sciences Po - CNRS sur la place des sciences sociales dans les politiques de lutte contre le cancer, à l'occasion de la sortie du live "Les politiques de lutte contre le cancer en France".

« Comment garantir à tous un accès équitable aux soins ? Comment organiser un parcours humanisé pour les malades ? Comment les sciences sociales peuvent-elles contribuer à la compréhension et à l’élaboration des politiques de lutte contre le cancer ? », interroge Stéphanie Chevrel, présidente de l’Observatoire de l’Information Santé, modérateur du débat organisé au Centre de Sociologie des Organisations de Sciences Po et du CNRS sur l’apport des sciences sociales dans les politiques de lutte contre le cancer à l’occasion de la sortie de l’ouvrage « Les politiques de lutte contre le cancer en France ». 

Thierry Breton, directeur général de l’Institut National du Cancer (INCa), depuis 2014, coordonne les actions de lutte contre le cancer et est en charge du suivi du plan cancer 3. L’an dernier, une charte de bonnes pratiques a été élaborée pour favoriser le maintien et le retour à l’emploi des personnes atteintes de cancer. Il nous livre son éclairage sur l’apport des sciences humaines et sociales dans les politiques publiques de lutte contre le cancer.

L’objectif premier des patients est de guérir
« Ce débat et ce livre arrivent à point nommé car 2019 est la dernière année du plan cancer 3. C’est à la fois un temps d’évaluation et de réflexion sur la suite des politiques de lutte contre le cancer. On dénombre 21 disciplines dans le spectre des sciences humaines et sociales dont l’anthropologie, la psychologie, la sociologie... C’est un champ marqué, notamment lorsqu’il s’agit de patients, par des personnes touchées par la maladie et dont l’objectif premier est de guérir ».

Ne pas se cantonner à une approche thérapeutique, entendre la fragilité sociale, économique ou psychologique des patients
« Nos efforts à l’INCa portent sur le soutien à la recherche clinique et à la recherche fondamentale. Nous sommes mobilisés en priorité sur les traitements, l’efficacité des thérapeutiques, la réduction des effets secondaires, et aussi sur les inégalités sociales et territoriales : nous devons faire en sorte que chaque patient en France puisse disposer des meilleurs soins quel que soit l’endroit où il se trouve pour répondre à une situation où parfois le pronostic vital est engagé. Un événement fondateur dans les politiques contre le cancer a été l’organisation des Etats Généraux des Personnes Malades du cancer en 1998 par la Ligue contre le cancer qui a permis la prise de parole des patients et de toutes les parties prenantes. Cela a accéléré la prise de conscience et la nécessité de ne pas se cantonner à une approche exclusivement thérapeutique - ‘’le premier objectif de la médecine et de la société est de vous guérir’’- mais d’entendre aussi ce que les personnes touchées par la maladie ont à nous dire sur leur vulnérabilité, leur fragilité qu’elle soit économique, sociale ou psychologique ».

Prendre en charge les patients de façon globale
« A l’INCa, nous organisons deux appels à projet chaque année : le premier, d’environ 4 millions par an, concerne les sciences humaines et sociales ; le deuxième, auquel nous consacrons 2 millions par an, porte sur la recherche interventionnelle. C’est un sujet important pour l’INCa car c’est une façon pour nous de prendre en compte les attentes et besoins des patients et de la population en général. Transdisciplinarité, multidisciplinarité, nous essayons de tirer le meilleur parti de chacune des disciplines des sciences sociales et des sciences humaines avec un point de départ qui est le patient dans sa situation spécifique ou bien la population générale lorsqu’il s’agit de prévention. Nous faisons en sorte que chaque discipline apporte son éclairage, s’enrichisse des concepts de l’autre et permette à l’INCa d’essayer d’organiser une réponse qui traite en globalité les patients en incluant les dimensions psychologique, sociale, thérapeutique ou encore économique, parce que le patient est un tout. Nous devons lui apporter des réponses sur l’ensemble de ces problématiques auxquelles il est confronté parce que cela participe au processus de rétablissement ».

Les sciences sociales permettent une meilleure compréhension de la complexité des situations individuelles des patients
« L’apport des sciences sociales nous permet d’aborder la complexité des situations individuelles, de reconnaître leurs spécificités et d’identifier des sujets compliqués sur lesquels nous devons agir avec beaucoup de modestie et d’humilité, car les résultats ne sont pas immédiats. Être soucieux de la transdisciplinarité nécessite un peu de persévérance et d’imagination, et également de savoir parfois se confronter à une forme d’échec. Aborder les disciplines les unes après les autres est intéressant, mais ce qui est important c’est que chacune des disciplines concoure dans son secteur avec ses modalités à une meilleure compréhension de la complexité de la situation des patients afin que les politiques publiques et l’INCa, à sa juste place, puissent répondre individuellement aux situations ».

Stéphanie Chevrel. 

Invités du débat : Thierry Breton, directeur général de l’Institut National du Cancer (INCa), Franck Chauvin, Président du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), Emmanuel Jammes, Délégué Société et Politiques de Santé à la Ligue contre le cancer & Patrick Castel, sociologue au Centre de Sociologie des Organisations Sciences Po - CNRS et co-auteur de l’ouvrage  « Politiques du cancer, que peut apporter la sociologie ? » avec Audrey Vézian et Pierre-André Juven.

Modératrice : Stéphanie Chevrel, Présidente de l’Observatoire de l’Information Santé.

Captation réalisée par acteurs de santé Tv pour l’Observatoire de l’Information Santé, au Centre de Sociologie des Organisations de Sciences Po et du CNRS, à l’occasion du débat « Politiques du cancer, que peut apporter la sociologie ? » organisé autour de l’ouvrage « Les politiques de lutte contre le cancer en France » publié aux presses de l’EHESP. 

En savoir plus :
http://www.cso.edu/home.asp
https://www.e-cancer.fr/  
https://www.hcsp.fr/explore.cgi/Accueil
http://www.ligue-cancer.net
http://www.observatoiredelinfosante.co

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