Anne-Cécile Robert est la nouvelle présidente de l’Union de la Presse Francophone (UPF). Interviewée à l’Université Mohamed VI Polytechnique (UM6P), à l’occasion des 49èmes Assises de la presse francophone, à Benguerir au Maroc, elle donne sa vision de la place de la femme dans les médias.
Quelle est aujourd’hui la place de la femme dans les médias ?
« Le thème des 49èmes Assises de l’Union de la Presse Francophone (UPF) porte sur le leadership féminin dans les médias, non pas parce que le sujet est à la mode mais parce qu’il existe un vrai problème structurel. Des progrès énormes ont été accomplis depuis les années 1950 mais il y a encore beaucoup à faire. Certains droits conquis restent théoriques tandis que dans certaines zones, les droits doivent être conquis pied à pied pour que l’égalité entre les hommes et les femmes devienne une réalité. »
Qui est le plus à même de mettre les femmes en lumière ? Est-ce aux anciennes générations d’agir ou la jeune génération doit-elle se bouger ?
« Dans la période de transition dans laquelle nous vivons, de chaos géopolitiques et de grandes tensions, il me semble que l’une des clés repose sur la communication entre les générations... L’un des soucis est que pour des raisons sociales, politiques et technologiques se crée un fossé entre les générations, notamment avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux. On ne peut pas avoir une société saine, dans le sens de l’approfondissement des libertés, s’il existe un tel fossé entre les générations : les anciens comme les jeunes ont leur propre savoir et chacun pense souvent qu’il détient la vérité. Or seule la communication, la rencontre de ces savoirs, nous donnera une idée juste de la nature de notre société, des problèmes qui lui sont posés et de la manière de les résoudre. On ne résoudra pas les uns sans les autres. Certains discours sont extrêmement agressifs contre les plus vieux ou contre les jeunes, ce n’est pas constructif. La vérité et l’intérêt général ne se manifesteront que si les générations arrivent à trouver un espace pour communiquer, dialoguer et essayer de s’entendre sur la manière dont les questions se posent. Je souhaiterais que l’UPF soit l’un de ces espaces : l’UPF est un lieu et un lien - géographique, culturel, linguistique - mais il doit aussi être un lien entre les générations. »
Quelles perspectives pour les femmes dans les médias et dans le monde dans les 5 à 10 prochaines années ?
« Nous vivons dans une période extrêmement troublée, si vous m’aviez posé la question il y a cinq ans, je vous aurais répondu qu’on avançait vers le progrès et que la place des femmes allait continuer à se développer. Aujourd’hui, on observe une régression dans des endroits dans lesquels on ne s’y attendait pas, notamment dans de vieilles démocraties comme les États-Unis. Nous sommes dans un entre-deux inquiétant parce que tout est possible et toutes les régressions le sont aussi. Cela rend encore plus nécessaire des organisations comme l’UPF qui permettent à des personnes de bonne volonté de pouvoir discuter et s'alerter les uns les autres pour essayer d’empêcher les reculs et au contraire, de continuer à faire avancer la machine du progrès. C’est la fonction de ce type d’organisation que de créer des espaces de confraternité qui donnent la possibilité de débattre sereinement avec des valeurs partagées - la liberté de la presse, la liberté d’expression, la langue française - pour que le progrès reste toujours en marche. »
Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui a envie de se lancer dans le journalisme ou dans la communication et qui n’ose pas pour différentes raisons ?
« Le premier conseil serait d’avoir confiance sur la base de choses simples et claires. D’une part, le travail : si vous travaillez et si ce que vous voulez est obtenu par le travail, vous êtes complètement légitime. Mon second conseil est le respect des règles : si vous savez ce qu’est une collectivité, si vous êtes journaliste et que vous connaissez, respectez et défendez les règles déontologiques, alors rien ne doit vous arrêter ! En ce qui concerne les femmes, il existe une espèce de barrière psychologique historique qui fait qu’elles vont souvent hésiter à se mettre en avant, à accéder à des postes qui leur sont dus ou même parfois très prosaïquement à obtenir des augmentations qu’elles méritent alors que culturellement, les hommes le font plus facilement. Il faut se débarrasser de ces blocages et se concentrer sur des choses vraies et justes : je travaille, j’ai des idées, je respecte les règles du jeu et donc, j’avance. »
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