Stéphanie Chevrel reçoit Jacques Rosselin. Précurseur de la télévision sur Internet avec la création de CanalWeb en 1998, il a assuré la transition numérique de la Tribune, puis créé Vendredi. Il est aujourd’hui directeur de l’école du nouveau journalisme (EFJ) et délivre ses conseils aux jeunes qui souhaitent se lancer dans le métier.
Vous avez créé l’école du nouveau journalisme. Il y a donc un ancien et un nouveau journalisme, comment le définiriez-vous ?
« L’EFJ se définit comme l’école du nouveau journalisme car si le journalisme n’a pas changé, les outils des journalistes ont changé. Il faut toujours aller chercher l’information, vérifier les faits et les diffuser sur le média qui répond le mieux aux lecteurs, téléspectateurs, en revanche, ce qui a changé, ce sont les outils.
L’ambition de notre école post-bac est d’apprendre aux jeunes qui veulent devenir journaliste à maîtriser les outils d’information. En trois ans, nous formons les geeks de l’information qui apprendront le journalisme sur le tas, et en parallèle se nourriront de culture générale.
Nos jeunes étudiants apprennent à maîtriser les nouveaux outils du journalisme - réseaux sociaux, mobile journalisme, journalisme web… - tout comme les sources d’information sur Internet : comment on s’informe, comment dépister les fake news, comment on repère une photo truquée, comment on voit si on s’est fait avoir par une information relayée sur Twitter. »
Quel avenir pour le métier de journalisme et quel futur pour les médias ?
« L’avenir des médias aujourd’hui est très compliqué. Je le vois avec beaucoup d’inquiétude parce que l’information, financée pendant des années par la publicité et les petites annonces beaucoup plus que par ses lecteurs, n’a pas de modèle économique. De plus, même si les abonnements se développent, sur le web, tout est gratuit.
Je suis pessimiste car le modèle économique de l’information est en train de disparaître. Il faut essayer de le réinventer tout en gardant une éthique de cette information afin qu’elle ne soit pas financée par des communicants ou des annonceurs ou des entreprises qui ont des intérêts à racheter des médias pour servir des intérêts qui n’ont rien à voir avec de l’information.
Qu’il s’agisse d’une région ou d’un pays, la collectivité a certainement un rôle à jouer. J’ai fait la proposition suivante : donner directement aux journalistes toutes les aides à la presse, directes et indirectes, soit 1 à 3 milliards par an. Cette idée peut paraître absurde mais on compte près de 30 000 cartes de presse en France. Si ces journalistes avaient un revenu minimum, on pourrait imaginer que nous aurions une information réellement indépendante. Les journalistes ne seraient plus obligés de faire des piges à droite à gauche parce qu’ils auraient un revenu minimum.
On me rétorque : « c’est du journalisme d’état », mais quelle est la plus grande rédaction de France aujourd’hui ? C’est celle de France Télévision avec 2 000 cartes de presse. Combien y a-t-il de journalistes à France Inter ? 800 à 1 000 cartes de presse. Est-ce que ce sont de mauvais journalistes parce que c’est l’état qui finance leur média ? Je ne crois pas, bien au contraire.
Comment la collectivité peut-elle financer le modèle économique d’une information de qualité. C’est ça le défi de l’information du futur. »
Que diriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans le métier de journaliste ?
« Il faut qu’il ait un désir très fort de faire ce métier. C’est un métier difficile, précarisé, mal payé. C’est une sorte de sacerdoce ! Il faut qu’il en ait vraiment envie comme dans tous les métiers de création, les métiers dans lesquels on se donne. « Si tu veux devenir chanteur, tu as intérêt à en avoir vraiment envie. Si tu veux devenir artiste, cinéaste par exemple, tu as intérêt à avoir une sacrée dose de désir pour y arriver ! »
Le premier conseil que je lui donnerai est de faire une petite introspection « Es-tu sûr d’avoir envie de faire ce métier ? d’informer les concitoyens ? ». Mon deuxième conseil serait d’apprendre le code, la technologie. Être journaliste aujourd’hui, c’est savoir programmer, savoir coder, cela nécessite une très forte culture technique très forte. Mon troisième conseil serait de développer sa culture générale, de se cultiver, de lire beaucoup, d’être curieux.
Voilà mes trois conseils : avoir envie, être curieux et maîtriser les nouvelles technologies. »
En savoir plus : https://www.observatoiredelinfosante.com/