Relation soignant - soigné, un problème de communication

Gérald KIERZEK, médecin urgentiste, chroniqueur radio & Tv

Le patient n’est ni un numéro, ni une donnée, il est avant tout une personne humaine. La solution est de remettre de l’humanité dans la relation soignant - soigné.

« C’est important qu’un médecin, un soignant au sens large, soit aussi un acteur de la politique de santé et non juste un technicien du soin comme on aimerait nous y cantonner. Si la relation soignant - soigné est un problème de communication, la solution est aussi une solution de communication, au sens latin du terme « communicare » qui veut dire partage. Il s’agit d’une relation profonde, d’une relation d’empathie. »

 La division ultime est d’opposer les soignants aux soignés
« Le « doc bashing » existe, certaines spécialités comme la gynécologie y sont particulièrement confrontées. Les réseaux sociaux, systématiquement à charge, n’ont pas amélioré la qualité de la relation soignant - soigné, auquel s’ajoute un « bashing institutionnel » qui se traduit par une souffrance chez les soignés avec beaucoup de solitude, mais également chez les soignants avec des burn-out. La division ultime étant d’opposer ces soignants, un peu mis sur le banc des accusés, aux soignés, introduisant du doute et de la défiance d’où l’apparition de crises sanitaires ou plutôt médiatiques. »

 Des pistes pour restaurer une confiance qui ne se décrète pas
« J’ai été chargé par Agnes Buzyn d’un rapport sur l’information autour du médicament que nous lui avons remis suite à l’affaire du Levothyrox qui a déclenché une crise médiatique, mais surtout une crise de confiance. En effet, quand le soignant - l’industriel, le médecin prescripteur, le pharmacien qui délivre, l’infirmière qui apporte les soins ou encore l’expert qui prend la parole dans les médias - porte une parole auprès du soigné, on ne le croit plus parce que depuis des années, un climat de défiance s’est installé. L’enjeu de ce rapport était de donner des pistes pour améliorer ou restaurer une confiance qui ne se décrète pas. » 

Le numérique et l’intelligence artificielle vont in-fine asservir le patient
« A l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle, les choses ne vont pas s’arranger pour plusieurs raisons : d’une part, on enferme les médecins dans un rôle de technicien ; la médecine est de plus en plus technique, on ne parle plus d’examen clinique, mais d’examen radiologique, d’examen numérique, de test génétique, etc. Plus de 8 000 médecins sont formés chaque année contre 4 000, il y a 12/13 ans. Le nombre de médecins a été multiplié par deux, mais on a diminué la qualité de la formation relationnelle ; D’autre part, le numérique et l’intelligence artificielle vont asservir les données de santé, le médecin et le patient in-fine créant encore plus de schisme entre les malades informés, mondialisés et connectés, et puis les autres, soit une immense majorité. »

Les malades veulent de l’empathie, de l’humanité, du suivi
« Le patient n’est ni un numéro, ni une donnée, il est avant tout une personne humaine. La solution est de remettre de l’humanité dans la relation soignant - soigné à travers une « vraie » communication humaine avec de l’empathie. Il n’est pas question d’aller ubériser les médecins ou la relation médecin - malade. Certains patients viennent actuellement aux urgences après avoir vu un premier médecin avec lequel ils ont pris rendez-vous à travers une plateforme et qui leur a fait une prescription (examens, radios), mais qui n’est plus disponible lors des résultats. Ils vont alors dans un centre de santé consulter un médecin qu’ils n’ont jamais vu, sans suivi et qui envoie ces patients aux urgences. Ce système infernal, cette ubérisation de la médecine entraîne une diminution de sa qualité. Or, les gens veulent de l’empathie, de l’humanité, du suivi, c’est peut-être pour cela qu’ils se tournent vers l’homéopathie, la naturopathie ou vers des médecines complémentaires moins techniques, mais plus humaines. »

Le soignant n’est pas un technicien, il est un acteur politique dans la cité
« Les médecins devraient davantage écouter les motivations pour lesquelles les patients se tournent vers d’autres médecines. Nous devrions être en mesure de proposer à la fois la médecine la plus pointue et technique et aussi la plus humaine possible. Cela passe par de la relation, de la communication, la clinique doit absolument être remise au coeur de la formation initiale des nouvelles générations et de la formation continue, ce qui est loin d’être le cas.
Il n’est pas question d’être contre le numérique et la télémédecine, mais ces technologies doivent être au service de la relation médecin - malade et non l’inverse. La télémédecine doit se faire dans un cadre de médecine de qualité, de sécurité des soins, qui passe par une relation humaine, mais surtout par une relation physique avec le patient. »

« Souvent pris en défaut dans leurs responsabilités, les soignants, acteurs politiques dans la cité, doivent reprendre la parole sur le plan collectif. »

 Stéphanie Chevrel. 

Captation réalisée par acteurs de santé, partenaire média du 29ème Festival de la Communication Santé à Deauville. 
En savoir plus : https://festivalcommunicationsante.fr

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