Les journalistes se font souvent avoir par des études étonnantes qui semblent avoir été parfaitement bien menées
"Car sans même parler de fraude, il y a toujours un risque pour que des chercheurs répartis à travers le monde et en train de faire la même expérience puissent commettre une erreur de manipulation ou une erreur statistique. Les résultats seront alors malheureusement publiés dans la littérature scientifique et on se rendra compte de l’erreur seulement quelques années plus tard. Les journalistes se font souvent avoir par ces études étonnantes qui semblent avoir été parfaitement bien menées. Mais toutes les études ne sont pas fausses, il faut seulement laisser le temps au temps. Ce n’est pas parce que c’est publié que c’est forcément vrai ! Ce qu’il faut, c’est avoir l’assurance que l’étude a été reproduite par des équipes indépendantes. Alors seulement, on pourra avoir confiance dans les résultats."
La puissance des communiqués de presse des institutions et revues scientifiques
"La plupart des journalistes travaillent à partir des communiqués de presse rédigés à leur intention par des communicants qui n’ont pas nécessairement de formation scientifique. Ils sont là pour qu’on parle de l’institution ou de l’université pour laquelle ils travaillent de façon valorisante. Une étude menée en 2014 par des chercheurs de Cardiff a analysé le contenu de nombreux communiqués de presse. Près de la moitié comportaient des distorsions majeures avec des préconisations de changement de comportements qui n’étaient absolument pas induits par l’étude ! Ces distorsions sont majoritairement causées par les services de communication.
Un journaliste à qui on ne donne pas le temps de décortiquer le communiqué ou qui n’a pas la formation critique suffisante ou encore qui n’a pas accès à l’étude initiale va avoir du mal à rédiger un article de qualité. Prendre le temps de vérifier la pertinence des résultats avant de colporter une fausse information demande aux journalistes beaucoup d’énergie et le soutien de leur rédaction."
Eviter de partager une information avant d’être sûr qu’elle soit vraie
"La première chose quand on est face à une information est d’analyser ce qu’elle provoque en nous. Plus une information est étonnante, plus elle nous semble trop belle pour être vraie et plus il faut tout mettre en œuvre pour la vérifier. Une information qui suscite une émotion forte, un grand enthousiasme ou du dégoût doit nous alerter, il faut éviter de la propager avant d’être sûr qu’elle soit vraie. Le premier réflexe est de vérifier si cette information est reprise à l’identique par d’autres médias sérieux, quoique cela peut être un piège. De nombreux médias reprennent en effet aujourd’hui mot pour mot les dépêches d’agences de presse, or il peut parfois y avoir des erreurs ou la parole d’experts très beaux parleurs et médiatiques, mais pas forcément légitimes."
La lecture de l’information ne doit pas être passive
"Il faut apprendre à développer son esprit critique, ce qui ne se fait pas en une journée ! Face à une information, il faut prendre le temps de se poser les bonnes questions. Est-elle suffisamment contextualisée ? Me donne-t-on les avantages mais aussi les inconvénients, par exemple, lors de la mise sur le marché d’un nouveau médicament ? S’il s’agit d’une étude concernant un médicament, est-ce la première qui démontre son efficacité ou en existe-t-il des dizaines d’autres ? Sur combien de personnes l’étude a-t-elle été menée ? La plupart des informations santé qui nous parviennent ne nous concernent pas à court ou moyen terme même si elles peuvent nous concerner à long terme. Les relayer, c’est risquer de participer à la diffusion d’informations prématurées, insuffisamment vérifiées."
Ne pas rester passif devant les informations qui nous séduisent !
"En ce qui concerne les informations de santé publique, certaines sont parfois frappées au coin du bon sens. Il faut toujours évaluer le risque. Qu’est-ce qu’on risque si jamais c’est faux ? La première chose à faire est de vérifier qu’il n’y a pas de controverse. S’il y a controverse, cela peut être intéressant d’aller voir quels sont les objets de la controverse, qui l’anime. S’agit-il d’experts, d’associations aux financements un peu louches. Il ne faut pas rester passif devant les informations qui nous séduisent !"
Interview réalisée à l’occasion de la parution de l’ouvrage « Santé, science, doit-on tout gober ? », Florian Gouthière, Belin. https://www.belin-editeur.com/florian-gouthiere
En savoir plus : https://www.observatoiredelinfosante.com/