S’assurer de l’efficience des innovations en oncologie

Dr Arnaud BAYLE, oncologue, économiste de la santé, Institut Gustave Roussy

Au-delà des signatures génomiques dans le cancer du sein, c’est l’ensemble des tests, des biomarqueurs et des technologies de séquençage de nouvelle génération qui posent la question de leur financement.

La question de la prise en charge des signatures génomique dans le cancer du sein est une fois de plus l’un des sujets phares abordés lors du congrès 2024 de la Société Française de Médecine Prédictive et Personnalisée (SFMPP).

Pourquoi ces signatures ne sont-elles toujours pas remboursées aujourd’hui en France ? Comment toutes les femmes concernées pourraient-elles y avoir accès en France sans perte de chance ?
« Au-delà des signatures génomiques dans le cancer du sein, c’est l’ensemble des tests, des biomarqueurs et des technologies de séquençage de nouvelle génération qui posent la question de leur financement. Plus les technologies se développent, plus il y a d’innovations et plus il y a un enjeu de financement et d’accès à ces technologies. L’utilité clinique des signatures génomiques, de ces testings qu’on appelle les panels NGS ou des séquençages de l’exome du génome est à l’étude, mais leur financement est aussi au cœur des sujets, il s’agit de la question de l’efficience que nous connaissons bien en économie : quelle est la meilleure stratégie pour le résultat le plus optimal ? »

Sommes-nous capables de financer ces tests génomiques ?
« Actuellement, c’est un sujet qui est débattu dans tous les pays en Europe comme sur d’autres continents. Dans les nouvelles réglementations et pour les nouvelles formes de financement, va se poser la question de savoir comment nous serions capables de financer ces tests pour tous les patients. Il faut donc démontrer leur utilité clinique, mais aussi que leur coût est suffisamment acceptable par rapport à l’impact pour les patients. Typiquement, dans les données des signatures génomiques dans les cancers du sein, il y a un enjeu de suivi. Dans des situations de cancer localisé, nous devons être capables de savoir si ces signatures génomiques apportent un bénéfice ou pas aux patientes. Nous avons besoin de recul. Plus nous aurons des stratégies mises en place tôt, au moment de la prévention ou du traitement adjuvant donc après chirurgie, plus le recul pour connaître l’efficience va être nécessaire parce que les durées de suivi sont de 5, 10, voire 15 ans dans certains cas. »

Des milliers de femmes ne pourraient-elles pas éviter une chimiothérapie avec les signatures génomiques dont le coût est moindre qu’une chimiothérapie, d’autant plus si elle est inutile ?
« C’est typiquement ce que nous analysons en économie de la santé. Nous regardons le coût du test dans sa globalité et le coût des traitements, mais aussi potentiellement le coût des complications suite aux traitements mis en place. Le but est d’être capable de trouver des tests qui permettent de proposer une désescalade thérapeutique et de diminuer finalement le nombre de patientes qui vont nécessiter un traitement adjuvant dans le cancer du sein. Cependant, le but est aussi de ne pas faire perdre de chance aux femmes qui auraient dû bénéficier d’un traitement et qui n’en bénéficieraient pas, c’est aussi tout l’enjeu des signatures génomiques avec des zones grises pour lesquelles nous n’avons pas forcément encore toutes les réponses. C’est l’objet des évaluations qui vont avoir lieu dans les mois à venir. »

Ces signatures génomiques sont dans le RIHN depuis déjà quelques années, comment fait-on pour en sortir ?
« Le nouveau RIHN se met en place et tout l’enjeu du travail important que la HAS effectue actuellement est de permettre à certains actes, actuellement dans le RIHN, d’être évalués pour le passage à la nomenclature. Ils pourraient ainsi être prescrits en soins courants. Le programme de la HAS s’échelonne sur 2 ou 3  ans et nombreux sont les tests à devoir être évalués. »

Interview réalisée lors du congrès de la Société Française de Médecine Prédictive et Personnalisée (SFMPP), octobre 2024.

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