Cancer du sein hormono dépendant et chimiothérapie
L’étude RxPONDER (1), présentée il y a quelques jours au congrès de sénologie à San Antonio (SABCS) porte sur l’utilisation de tests génomiques pour confirmer l’intérêt ou non de la chimiothérapie chez les femmes ayant un cancer hormono-dépendant avec atteinte ganglionnaire. « Parmi les tests aujourd’hui disponibles, le test Oncotype DX a pour objectif d’indiquer, non pas l’intérêt, mais au contraire en cas d’hésitation, l’absence d’intérêt à faire une chimiothérapie. »
Des tests génomiques pour confirmer l’absence d’intérêt à faire une chimiothérapie
« La population de femmes qui a un cancer hormono-dépendant correspond à environ 75% des femmes atteintes de cancer du sein. Le test génomique Oncotype DX présente un intérêt aussi bien chez les femmes qui ont ou qui n’ont pas d’atteinte ganglionnaire. Jusqu’à 75% des femmes ayant un cancer hormonosensible pourraient avoir recours à ce type de tests en cas d’hésitation sur l’indication d’une chimiothérapie, non pas pour la faire, mais pour ne pas la faire », professeur Joseph Gligorov, oncologue à l’hôpital Tenon, à Paris. Institut Universitaire de Cancérologie, AP-HP. Sorbonne Université.
Une femme sur trois ayant un cancer diagnostiqué à un stade précoce pourrait éviter chaque année une chimiothérapie
« Les tests génomiques permettent de distinguer de manière certaine, les femmes qui peuvent bénéficier de certains types de traitement de celles qui n’en bénéficieront pas et pour qui la prescription serait totalement inutile, les exposant à des effets indésirables potentiels. De plus, ces prescriptions inutiles affectent les ressources humaines, techniques ou financières consacrées au cancer. 80% des femmes atteintes d’un cancer du sein peuvent bénéficier d’un test génomique pour déterminer la suite de leur traitement. Ces tests, aux différents stades évolutifs de la maladie, vont pouvoir guider, contrôler et donner la chimiothérapie à bon escient », professeur Jean Jacques Zambrowski, médecin et économiste de la santé.
Des tests disponibles en France depuis 5 ans
« Chaque année, en France, près de 60 000 femmes sont diagnostiquées d’un cancer du sein, soit par le dépistage organisé, soit parce qu’elles présentent des symptômes et découvrent la maladie. Ce qui est très important, c’est que la majorité d’entre elles vont pouvoir guérir de cette épreuve. Soit le cancer a été détecté tôt et il n’est pas très agressif, une radiothérapie et une hormonothérapie vont être proposées ; soit un traitement plus puissant va être nécessaire et une chimiothérapie, généralement associée à une radiothérapie sera prescrite, éventuellement complétée par la suite pendant plusieurs années par une hormonothérapie. Dans certaines situations, les médecins sont sûrs que la chimiothérapie n’est pas nécessaire, dans d’autres, ils sont sûrs qu’elle est indispensable et puis, il existe une zone entre les deux qui est un peu floue. Depuis 5 ans, en France, des tests génomiques permettent de prendre une décision dans cette zone un peu grise. C’est un enjeu de rendre ces tests plus accessibles », Laure Guéroult Accolas, Fondatrice de l’association Patients en réseau.
Le coût des tests est mineur comparé à une chimiothérapie, d’autant plus si elle est inutile
« Un traitement donné alors que les tests génomiques permettent de savoir à l’avance qu’il ne fonctionnera pas, permettrait non seulement d’éviter des coûts inutiles, mais aussi des effets indésirables et un espoir inutile. Le coût des tests est mineur par rapport au coût des économies qu’ils génèrent. Toutes les études le montrent, l’utilisation de ces tests est sans aucun doute intéressante tant sur le plan économique que médical. Finalement, ces tests qui coûtent aux alentours de 3 000 € représentent une dépense parfaitement légitime et mineure par rapport à la prise en charge totale d’un cancer du sein, qui plus est si la chimiothérapie prescrite est largement inutile », professeur Jean Jacques Zambrowski.
Une inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale essentielle pour 2021
« Ces tests actuellement proposés dépendent d’un système de financement qu’on appelle le RIHN, le référentiel des actes innovants hors nomenclature. Plusieurs recommandations internationales (1, 2, 3, 4, 5, 6) incitent à les utiliser dans un cadre précis. Des études confortent régulièrement leur intérêt (7, 8). Il semble pertinent qu’aujourd’hui, en France, ces tests sortent de cette enveloppe d’exception de l’innovation pour être financés par le système de soins », Laure Guéroult Accolas. « Aujourd’hui, toutes les données doivent permettre aux autorités qui en ont la charge d’inscrire définitivement les actes des tests génomiques qui en ont fait la preuve dans le répertoire des actes ordinaires de la biologie médicale comme tant d’autres. Il est essentiel, comme le disent l’ensemble des spécialistes et les associations de patients, que ces tests rejoignent la nomenclature des actes de biologie médicale, NABM, ce qui instituera véritablement ce test génomique dans les actes de pratiques médicales et biologiques courantes au bénéfice des patients », professeur Jean Jacques Zambrowski.
Sur le plan international, utiliser ces tests est un standard
« Les résultats de l’étude RxPONDER posent la question de l’intérêt de la chimiothérapie chez les femmes avec une atteinte ganglionnaire ayant un cancer hormono-dépendant. Aujourd’hui, sur le plan international, les collègues américains, allemands et britanniques considèrent que c’est un standard que d’utiliser ces tests. Un certain nombre de pays européens ont déjà mis en place des possibilités d’accès. Les prochaines conférences de consensus qui vont avoir lieu dans les semaines à venir, dont celle de Saint Paul de Vence au mois de février, vont très probablement statuer sur l’intérêt stratégique de l’utilisation de ce type de test en routine dans une population de patientes bien définies. Précisant l’intérêt de faire ou de ne pas faire une chimiothérapie, notamment chez les femmes qui sont ménopausées, il est essentiel que dans les semaines qui viennent, une inscription à la nomenclature pérennise l’accès à ces tests et notamment, le remboursement des tests qui ont été validés, comme Oncotype Dx », professeur Joseph Gligorov.
Si la chimiothérapie n’est pas absolument nécessaire, cela vaut la peine de l’éviter
« En ce qui concerne la chimiothérapie et pour les femmes qui démarrent leur parcours de soins, elles doivent discuter avec leur équipe de soins pour savoir si ces tests les concernent. La chimiothérapie joue un rôle délétère sur l’immunité et dans ce contexte, la Covid 19 est un risque de plus. Si la chimiothérapie n’est pas absolument nécessaire, cela vaut la peine d'éviter ses conséquences lourdes et de se soigner sans prendre de risque supplémentaire », Laure Guéroult Accolas.
Sources : 1 https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Les-chiffres-du-cancer-en-France/Epidemiologie-des-cancers/Les-cancers-les-plus-frequents/Cancer-du-sein / 2 NCCN Guidelines Insights: Breast Cancer, version 3.2018. https://www.nccn.org/store/login/login.aspxReturnURL=https://www.nccn.org/professionals/physician_gls/pdf/breast.pd / 3 IQWIG Communiqué de presse, septembre 2018 / 4 NICE Diagnostics Guidance DG34 Décembre 2018. https://www.nice.org.uk/guidance/dg34Consulté en décembre 2018 / 5 Burstein et al. Ann Oncol. 2019 / 6 Andre et al. J Clin Oncol 2019 / 7 Sparano et al. N Engl J Med 2018 / 8 Geyer et al. npj Breast Cancer 2018 / 9 Kalinsky et al, San Antonio Breast Cancer Symposium 2020 GS3-00
En savoir plus : Pr Joseph Gligorov, https://www.linkedin.com/in/joseph-gligorov-228a50170/?originalSubdomain=fr - liens d'intérêt sur https://www.transparence.sante.gouv.fr/flow/main?execution=e2s1 - Pr Jean-Jacques Zambrowski, https://www.linkedin.com/in/jean-jacques-zambrowski-3174096?originalSubdomain=fr - Patients en reseau, https://www.patientsenreseau.fr/ @reseauKsein @reseauKgyneco @reseauKpoumon @reseauKcolorect - Mon traitement cancer du sein, https://www.montraitement-cancerdusein.fr/ - Exact Sciences, https://www.exactsciences.com/
Interviews réalisées par Acteurs de santé Tv, avec le soutien d’Exact Sciences qui n’est pas intervenu dans le contenu éditorial - dans le cadre du « 2020 San Antonio Breast Cancer Symposium », décembre 2019, USA, au cours duquel les résultats de l’étude RxPONDER ont été présentés.