Syndicat Français des Médecins Pathologistes, quels enjeux ?

Dr Marie-Pierre WISSLER, médecin pathologiste, SMPF, Lyon

Il est difficilement acceptable que le choix des tests de biologie moléculaire soit influencé par le reste à charge.

Le Dr Marie-Pierre Wissler, médecin pathologiste à Lyon, membre du Syndicat des Médecins Pathologistes Français (SMPF), demande en 2021 la mise à jour de la nomenclature des actes de biologie moléculaire. 

« Pour analyser une tumeur, on va d’abord faire un diagnostic sur biopsie, puis, après l’intervention chirurgicale, on va typer et poser un diagnostic de certitude avec la pièce opératoire. On va ensuite chercher des marqueurs qui vont permettre de décider la mise en place d’un traitement. Enfin, dans une dernière phase, un acte de biologie moléculaire va être réalisé pour typer au mieux les gènes et les mutations qui interviennent sur ces gènes selon le type de cancer pour mettre en place ce qu’on appelle une thérapie ciblée, liée aux variations des gènes dans la tumeur.

Si ces thérapies ciblées qui coûtent très cher aujourd’hui sont majoritairement prises en charge, les actes de biologie moléculaire qui font partie de la routine, ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale. En cancérologie pourtant, la biologie moléculaire est utilisée tous les jours que ce soit en libéral, dans les CHU ou dans les centres anticancéreux.

Les actes de biologie moléculaire sont pris en charge au niveau national sous forme d’une enveloppe budgétaire très particulière appelée le RIHN (référentiel des actes innovants hors nomenclature). Cette enveloppe qui, au début a eu le mérite de permettre la réalisation de ces actes, est devenue très fermée : en effet, les actes ne sont pas pris en charge à 100%, induisant des comportements déviants contraire à la bonne pratique de la médecine. On arrive ainsi aujourd’hui à choisir un test non pas pour son efficience et sa bonne indication pour le patient, mais pour son coût, ce qui est vraiment regrettable pour la prise en charge de la cancérologie libérale. 

Le budget RIHN a deux listes : l’une principale et l’autre complémentaire avec des tests différents selon les listes dont les indications sont bien ciblées par les sociétés savantes et qui conditionnent la prise en charge des thérapeutiques. 

Le médecin sait donc quel test il devrait effectivement prescrire à son patient. Il va discuter avec l’anapath pour choisir le meilleur test possible. Or, en pratique, quand le clinicien fait partie d’une clinique où la direction financière a donné comme consigne de ne pas utiliser tel ou tel test parce qu’il est trop onéreux, il va être obligé d'utiliser un test moins cher pour son établissement mais qui ne couvrira pas forcément tous les gènes du cancer de son patient... Alors que dans une autre clinique, peut-être à 100 km de là, le patient pourra avoir l’étude de l’ensemble de ses gênes parce que la direction financière l’aura décidé à ce moment-là.

Le reste à charge pour les cliniques est vraiment très important. Selon les budgets des différents établissements, il est parfois impossible à certains d’entre eux de financer les tests existants tandis que d’autres vont pouvoir tous les prendre en charge et permettre à leurs patients d’en bénéficier.

Il est aberrant et difficilement acceptable aujourd’hui que le choix des tests de biologie moléculaire soit influencé par le reste à charge pour les cliniques alors que nous avons effectivement de nombreuses thérapies ciblées à la disposition des patients. »

Interview réalisée en toute indépendance éditoriale par Acteurs de santé Tv avec le soutien du Syndicat des Médecins Pathologistes Français (SMPF).

En savoir plus : https://www.smpf.info/

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